Non seulement les robots, et plus largement, l’automatisation ne tuent pas l’emploi dans l’industrie, mais ils le développent. C’est le résultat de plusieurs études dont l’une, sur des usines françaises, à laquelle a participé Céline Antonin, économiste à l’OFCE et chercheuse associée au Collège de France.

Les robots vont-ils détruire nos emplois ? Non, explique Céline Antonin, économiste à l’OFCE et chercheuse associée au Collège de France. Entretien

Vous avez participé à une récente étude sur la relation entre robotisation et emploi, que montre-t-elle ?

Nous l’avons analysée dans 19 448 établissements représentatifs de l’industrie manufacturière française, entre 1994 à 2015. Je précise que nous ne nous sommes pas intéressés qu’aux robots – qui répondent à une définition restrictive – mais à l’automatisation en général. Le constat est clair : les entreprises qui se sont le plus automatisées sont celles qui ont le plus créé d’emplois.

Cela va à l’encontre de l’idée reçue selon laquelle les machines tuent la main-d’œuvre…

En effet, d’autres études ont tendu à dire l’inverse, dont une assure que l’intelligence artificielle doit détruire 47 % de l’emploi aux États-Unis d’ici à vingt ans. Ce que, pour notre part, nous observons – et que nous ne sommes pas les seuls à démontrer – c’est que si, de fait, l’automatisation réduit les besoins en main-d’œuvre, elle produit, par ailleurs, d’autres effets positifs plus importants.

Lesquels ?

Disons, pour résumer, qu’une entreprise plus automatisée est plus productive, ce qui lui permet d’abaisser ses coûts de revient, et donc ses prix de vente. Ce qui crée une hausse de la demande et, donc, de l’emploi. Nos calculs montrent que 1 % d’automatisation supplémentaire crée 0,28 % d’emploi en plus.

Mais ne s’agit-il pas surtout d’emplois très qualifiés ?

Non, contrairement à une autre idée reçue, tous les types d’emplois, très qualifiés ou peu qualifiés en profitent. Et c’est vrai, non seulement aussitôt après l’automatisation, que de façon pérenne.

Si les entreprises qui se robotisent le plus se développent, n’est-ce pas parce qu’elles détruisent l’emploi chez les autres ?

C’est ce que semble corroborer notre analyse : dans les secteurs soumis à la concurrence internationale, une hausse de l’automatisation entraîne des gains de marché à l’international et, par conséquent, une hausse de l’emploi, forcément au détriment des pays concurrents.

Les statistiques de l’International Federation of Robotics (IFR) montrent que l’industrie française est peu robotisée. Pourquoi ?

D’abord, parce que l’industrie manufacturière française a perdu de son importance dans l’économie : 10 % aujourd’hui, alors qu’elle est de 20 % en Allemagne. Il y a ensuite le poids de l’industrie automobile, très consommatrice de robots, et moins forte en France qu’en Allemagne, en Corée ou au Japon. Et il y a le fait que la France manque d’entreprises capables de robotiser l’industrie nationale.

Qu’est-ce qui fait donc défaut ?

À quelques exceptions près, les fabricants français de robots industriels sont des entreprises trop petites. S’y ajoute un déficit, en France, de ces entreprises capables d’intégrer les robots dans les chaînes de production, qu’on appelle des « intégrateurs ». Ce qui crée un vrai goulot d’étranglement.

Source : https://www.ouest-france.fr/economie/entreprises/robotique-l-automatisation-cree-de-l-emploi-7005992