La loi Rebsamen de 2015 et la récente réforme du Code du travail placent la négociation annuelle obligatoire (NAO) au centre du dialogue social dans l’entreprise. Salaires, qualité de vie au travail : les enjeux sont élevés pour le dirigeant. Autant de bonnes raisons de bien préparer cette négociation.

Difficile de recueillir des témoignages de chefs d’entreprise au sujet de la négociation annuelle obligatoire (NAO). Tout au plus, confient-ils, sous couvert d’anonymat : « Je n’ai pas besoin de la NAO pour discuter avec mes salariés. Ma porte leur est ouverte en cas de problème », ou encore : « Je donne les informations que les syndicats me demandent, je remplis les papiers qu’il faut et c’est bon. »

La NAO serait donc un non sujet. Tel n’est pas l’avis de Stéphane Bruel, membre de l’ANDRH, association nationale des DRH. « C’est un sujet sensible, confidentiel qui touche à la stratégie des entreprises. Par ailleurs, il existe une relative défiance des chefs d’entreprise vis-à-vis du formalisme imposé par la NAO. Pourtant, la loi Rebsamen de 2015 et les récentes ordonnances Macron ouvrent une nouvelle ère des relations sociales dans l’entreprise en établissant un système plus libre et plus responsable pour les deux parties. Il est attendu des dirigeants et des DRH qu’ils s’autosaisissent de cette opportunité d’établir des échanges constructifs et collaboratifs », analyse-t-il. Encore faut-il maîtriser les règles du jeu de la NAO. Voici tout ce qu’il faut savoir sur cette obligation et nos conseils pour s’y préparer.

Ce qu’impose la loi

Qui est concerné ? Toutes les entreprises comprenant une délégation syndicale, y compris celles de moins de 50 salariés lorsque les délégués du personnel sont rattachés à une délégation. Dans les plus grandes entreprises, plusieurs syndicats peuvent être représentés. La négociation peut se faire au niveau de l’entreprise ou du groupe. C’est à l’employeur de déclencher les négociations, sous peine de pénalités. Depuis les ordonnances du 22 septembre, les entreprises peuvent choisir la périodicité et les modalités de négociation, sachant qu’un accord ne peut pas durer plus de quatre ans. Les NAO abordent trois grands blocs de thématiques comportant chacun plusieurs items. Le premier bloc porte sur les rémunérations, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée. Le second concerne l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, la qualité de vie au travail et, depuis le 1er janvier 2017 , le droit à la déconnexion. Enfin, la NAO porte sur la gestion des emplois et des parcours professionnels. Depuis les ordonnances de septembre, la mise en place de congés de mobilité et les problématiques de formation et d’insertion sont désormais intégrées dans la négociation. Le Code du travail prévoit au minimum deux réunions.

« Le référendum est une arme à double tranchant »

Quelles informations le chef d’entreprise doit-il fournir aux partenaires sociaux ? Il n’existe pas de liste exhaustive des informations à fournir. « Il y a deux logiques dans les entreprises. Sous la contrainte de la loi, certaines produisent, de façon fourre-tout, des éléments difficiles à apprécier. L’autre logique est de faire de ces informations un outil d’échange constructif, en s’appuyant notamment sur la Base de données économiques et sociales », constate Yann Le Mitouard, expert juridique au Medef.

L’employeur a l’obligation de négocier « loyalement » mais pas de parvenir à un accord. Pour être valable, celui-ci doit être signé par les syndicats représentant au moins 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives lors des dernières élections professionnelles. L’accord signé est déposé à la Direccte et remis au greffe du conseil de prud’hommes du lieu de conclusion de l’accord. Il est applicable immédiatement. Si l’accord est signé à seulement 30 %, il est désormais possible d’organiser un référendum, à l’initiative de l’employeur ou des syndicats. « Mais attention, le référendum est une arme à double tranchant. On manque de recul pour l’apprécier mais il est évident qu’un référendum perdu a un impact très négatif en termes d’image », avertit François Chauvin, consultant RH et coach dans l’ouest de la France. En l’absence d’accord, un procès-verbal de désaccord est établi. Il précise les mesures que l’employeur entend appliquer unilatéralement.

Ce que conseillent les spécialistes RH

Pour mener à bien la NAO, le dirigeant doit d’abord savoir ce qu’il veut et ce qu’il ne veut pas. « Il doit être au clair sur ses objectifs, sa stratégie et l’accord qu’il vise : les points non négociables, les concessions acceptables, l’ordre dans lequel aborder les sujets… Il est également prudent de prévoir un plan B au cas où la négociation ne se passe pas comme prévu », conseille François Chauvin. Le chef d’entreprise doit également connaître les forces en présence : les partenaires sociaux et leur positionnement, le climat social de l’entreprise, mais aussi les attentes des salariés et du management. Faute de quoi le risque est de mener des négociations déconnectées de la réalité et du terrain. Il faut également déterminer qui négocie au niveau de la direction : le chef d’entreprise, le DRH, le DAF ? Et éventuellement se répartir les rôles (le gentil, le méchant…).

C’est aussi à l’employeur de sécuriser le plus possible la NAO. « Les négociations qui échouent sont souvent celles pour lesquelles le cadre n’est pas posé entre les différents acteurs et ce, quelle que soit la taille de l’entreprise » pointe François Chauvin. La première réunion est importante à cet égard : chaque partie communique ses intentions ; le cadre et les modalités pratiques de la négociation sont fixés. Ensuite, « il appartient au chef d’entreprise de ne pas se laisser déborder sur des problématiques qui n’ont pas lieu d’être traitées ici (investissements…). Mieux vaut également ne pas aborder dès le départ le sujet des salaires pour éviter de bloquer les discussions », recommande Yann Le Mitouard. Enfin, il faut savoir bien conclure la négociation. « Une bonne NAO se conclut par un accord », indique Stéphane Bruel.

« Les erreurs à éviter pour le chef d’entreprise sont d’être sur une approche uniquement juridique ou idéologique. Le pragmatisme est généralement payant. Rien de pire qu’un accord perdant-perdant », avertit François Chauvin.

Par Caroline Scribe, source : https://www.lejournaldesentreprises.com/france/article/management-bien-preparer-la-negociation-annuelle-obligatoire-112863