La pandémie a entraîné des milliers de petites et moyennes entreprises dans la voie du télétravail, qui aujourd’hui en dressent les avantages et les limites. L’enjeu : passer du télétravail forcé et non préparé du confinement à un nouveau mode d’organisation adapté à leurs enjeux. D’après une enquête de la CPME publiée le 28 mai, 21% des PME maintiennent des salariés en télétravail.

 

Du télétravail d’accord, mais pas à tous crins. Thomas Felfeli, directeur général délégué de l’éditeur de logiciels (14,5 millions d’euros de ventes) à Roubaix (Nord) était peu porté sur cette forme d’emploi avant la crise du Covid-19. Il a basculé du jour au lendemain comme des milliers de PME à la mi-mars dans le travail à domicile . La grande majorité de ses 100 salariés s’y est plongée. Aujourd’hui, le bilan est mitigé. Depuis la fin du confinement, ses salariés sont nombreux à souhaiter le retour au bureau. « D’une part les collègues leur manquent mais aussi le contact social hors environnement familial, et ceux qui habitent en appartement souffrent de l’enfermement », estime le jeune patron. « Quand il faut travailler à plusieurs sur un même projet, avec plusieurs interlocuteurs chez le client, la visioconférence a ses limites ».

Même sentiment d’usure chez le promoteur alsacien Stradim (89 millions d’euros de ventes), qui a mis au travail à distance dès le début du confinement la moitié des 70 salariés du siège. « Le télétravail, qui n’est pas une habitude chez nous, a bien fonctionné les trois premières semaines, mais ensuite le processus a commencé à s’éroder et l’ennui à poindre » témoigne Rémi Hagenbach, président du conseil d’administration. « Notre travail est pluridisciplinaire, il est difficile de travailler sans se voir entre collègues ». La conception des plans a pâti du « chacun chez soi », tout comme « la transmission de l’expérience, de l’expertise entre salariés, qui ne passe plus en télétravail ». L’entreprise n’ira donc pas vers un accord généralisé de télétravail mais agira « au cas par cas ».

[D’après une enquête de la CPME sur le déconfinement menée auprès de 3.000 dirigeants, et publiée le 28 mai, 91% des entreprises ont repris leur activité après le 11 mai. Dans une entreprise sur 2 (52%), l’ensemble des salariés a réintégré son poste de travail. 41% d’entre elles maintiennent encore une partie, ou la totalité, de leurs effectifs en chômage partiel, tandis que 21% des entreprises maintiennent des salariés en télétravail. Lorsqu’ils vont sur leur lieu de travail, le coût des équipements de protection des salariés s’élève en moyenne à 100 euros par mois et par salarié.]

Inégalités

Si la vague du télétravail a entraîné de nombreuses PME qui ne l’avaient jamais connu, elle a révélé le besoin de l’encadrer ou de l’adapter. Avec la pandémie, 5 millions de personnes ont travaillé à distance (25 % des salariés) pendant le confinement selon le ministère du Travail, contre à peine 7 % en 2017.

Dans un sondage de la CFDT-Kantar publié fin avril, 20 % des salariés en télétravail interrogés estimaient leurs conditions « insatisfaisantes » (problèmes matériels, droit à la déconnexion aléatoire, isolement…). « L’injonction à continuer le télétravail se comprend mais elle est valable pour les salariés qui le demandent, pour les autres qui en souffrent, il faut l’assouplir » plaide Philippe Portier, secrétaire national de la CFDT. Pour aider les entreprises, la CPME a édité un kit pratique mi-mars et s’apprête à publier une enquête sur le déconfinement qui mettra le focus sur le vécu du télétravail par les petits patrons.

« Pendant le confinement, les salariés n’ont pas connu le télétravail, mais du travail forcé chez soi dans des conditions non préparées, avec les enfants parfois, et du matériel inadapté » tient à rappeler Patrick Levy-Waitz, président de la Fondation Travailler Autrement. Pour le pérenniser dans de bonnes conditions, d’ici la fin du mois, syndicats et patronats, plancheront sur « un diagnostic partagé » favorisant notamment le télétravail ponctuel. Avec un enjeu : éviter que le télétravail fasse le lit des inégalités entre cols blancs, qui pourront en profiter, et cols-bleus, dont les métiers obligent au présentiel.

Marion Kindermans avec Nicole Buyse et Coralie Donas

Source : https://www.lesechos.fr/pme-regions/actualite-pme/coronavirus-les-pme-seduites-par-le-teletravail-mais-sous-conditions-1206362