Augmentation des prix des produits, modification de l’offre, renégociation des contrats, voire mise à l’arrêt d’une partie de la production… Acculées, les entreprises tentent de pallier des délais de livraisons de plus en plus longs des matières premières et une flambée des prix avec des mesures d’urgence. Témoignages.

Les tensions sur les matières premières arrivent au pire moment pour les patrons de PME, alors que leurs carnets de commandes se remplissent et que la reprise se confirme. Pris en tenaille, ils tentent de mettre en place des mesures d’urgence pour ne pas compromettre cette année de rebond. Mais les marges de manoeuvre sont délicates.

· Augmenter ses prix de vente

« Si on veut éviter de trop baisser les marges, nous devons répercuter une partie de la hausse des matières premières sur les prix de nos produits », déclare Jean-Lou Blachier, président de Promaxion et actionnaire de l’entreprise de plasturgie Plastil (une centaine de salariés). Ses lignes de plastique ont été vendues 5 % plus cher en avril et 8 % de plus en juillet. Car l’entreprise, qui achète 1.200 tonnes de polymères par an, a vu les délais de livraison « rallonger jusqu’à vingt-six semaines » et a dû acheter « 25 % plus cher la matière première en juin ». Chez Oxymetal, spécialiste du pliage et de la découpe, la démarche est usuelle, car « l’achat du métal représente 50 % du chiffre d’affaires ». « Dans notre métier ou les marges sont faibles, la répercussion est intégrale », précise Philippe Chédru, son PDG.

Dans d’autres secteurs, c’est plus inhabituel. « Alors qu’une augmentation des prix en cours d’année reste très rare dans notre secteur, certains ont été contraints à une quatrième révision à la hausse depuis le début de l’année. C’est du jamais-vu », affirme Jean-Luc Guéry, président d’Optimum, leader européen des portes de placards et d’Inoha, qui représente 280 entreprises du secteur de l’habitat.

· Revoir la gestion de ses stocks

Pour les spécialistes du métal, la gestion des stocks est cruciale. Proximétal, spécialiste de la serrurerie et de la petite charpente métallique, envisage de stocker un peu avant l’été, mais il hésite. « Certains fournisseurs nous assurent que les prix vont baisser, car beaucoup de professionnels ayant constitué des stocks, la demande va se réduire. D’autres restent persuadés du contraire », glisse Lionel Matias, son président. La question impacte toute la chaîne. Thierry Doll, qui dirige le centre de plongée Dollfin en Corse, a été alerté par ses fournisseurs de combinaisons (Beuchat, Cressi, Scubapro, …) de leurs difficultés à se ravitailler en néoprène en Asie. « J’aurais dû faire mon réassort en janvier-février prochain pour l’été 2022, mais je vais anticiper mes commandes pour éviter les ruptures de stock, et donc décaisser de 3.000 à 4.000 euros six mois plus tôt », explique-t-il.

· Refuser des commandes

La société alsacienne Mathis, spécialisée dans la construction bois, prend de plein fouet la hausse du prix du bois et du métal. « Je n’avais jamais vu ça, les dernières hausses remontent à 2006-2007, elles tournaient à +30 %, là on est à plus de 100 % sur les bois résineux notamment », détaille Frank Mathis, son dirigeant, qui utilise 30.000 mètres cubes de bois par an. « On ne peut plus finir certains chantiers faute de pièces, et je dois aussi refuser des commandes, ce qui aura un impact sur mon chiffre d’affaires », pointe-t-il dénonçant « le chantage au prix effectué par les fournisseurs allemands et autrichiens ».

Acculées, des entreprises réduisent ou arrêtent la production. « On constate des fermetures partielles, de quelques jours par semaine, mais nous craignons qu’à terme cela mette à terre certaines d’entre elles », s’inquiète Philippe Contet, directeur général de la Fédération des industries mécaniques (FIM). Même chose dans le bâtiment ou la FFB confirme que des « entreprises mettent des salariés en congés ou en activité partielle, faute de matériaux pour réaliser les chantiers ».

· Rogner sur ses marges

Emmanuelle Perdrix, à la tête de Rovip, fabricant de bouchons et capsules en plastique, anticipe une « perte de 3 à 4 points sur la marge matière » , face à un « doublement du prix du polypropylène et du polyéthylène ». Pour Proximétal, les achats de matières premières et notamment l’acier pèsent de 10 à 15 % du chiffre d’affaires. « Avec une augmentation de 50 % des prix de ces matières premières et notamment l’acier, nous perdons 5 points de marge. Ce qui signifie une perte sur certains contrats », assure Lionel Matias. C’est parfois un partage des surcoûts qu’il faut négocier avec certains fournisseurs. « Quand ils nous annoncent des augmentations, nous répercutons une partie de la hausse sur nos prix mais nous jouons aussi sur nos marges », confirme Thierry Rambert, dirigeant de Brico Fenêtre.

· Renégocier ses contrats

Intégrer des clauses d’indexation de prix, faire jouer le cas de force majeur, discuter des prix et délais de livraison… voire rompre les contrats sont les pistes utilisées. « Je suis contraint de dire à certains clients qu’on ne peut pas assurer les marchés de constructions bois, les pénalités que j’aurai à payer seront moins fortes que le surcoût que m’auraient coûté ces chantiers », indique Frank Mathis, qui précise que « le prix de la matière première représente la moitié du prix final ». Mais tous les chantiers ne sont pas assortis de contrats. « J’ai des contrats avec seulement 1/3 de mes clients, sinon, cela passe juste par des bons de commande qui ne prévoient absolument pas de clauses, nous sommes dans la négociation permanente », confie Emmanuelle Perdrix. Chez Brico Fenêtre aussi, la négociation est de mise, « l’objectif étant de préserver des relations de long terme ».

· Modifier la conception des produits

« Nous essayons d’obtenir l’accord des clients pour modifier les projets, on revoit la conception, la nature des pièces, en changeant l’espèce du bois manquante par exemple », cite Frank Mathis. A terme, chez Rovip, la démarche consiste à faire qualifier d’autres matières premières par les donneurs d’ordre ou à incorporer de la matière recyclée . Même chose chez Pika Composite, qui travaille le métal. « Nous proposons des modifications en termes de type d’acier utilisé. Cela passe par une acceptation du bureau d’étude du client qui doit valider le changement et que cela n’affecte pas les qualités mécaniques de la pièce », explique Patrick Orhategaray, son gérant.

 

Source: https://www.lesechos.fr/pme-regions/actualite-pme/approvisionnement-difficile-les-six-solutions-cles-des-dirigeants-1328683